Auteur : Dearlobbies
Paris, le vendredi 22 juin 2024
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C’est l’été.
Le temps est radieux.
L’air tiède qui s’engouffre sous les toits de la gare confère au moment un caractère agréable.
Un espèce d’été indien.
Chaud.
Sec.
Quelques mètres plus bas, l’atmosphère s’électrise.
C’est la panique.
Certains tentent de monter dans les trains de force, quitte à y rester assis pendant des heures.
D’autres proposent de l’argent aux contrôleurs, ouvertement.
Certains partent sans même savoir où se loger à destination.
Ils veulent simplement fuir.
Les visages sont tirés, les regards apeurés, complètement perdus.
Dans deux jours arriveront sur la région parisienne les premières vagues de chaleur de ce que l’on appelle déjà “La canicule du basculement”.
Sont annoncés dans la capitale 46 degrés à l’ombre.
Les nappes phréatiques sont à sec.
Les black-out électriques fortement redoutés.
Tout comme les courts-circuits et les incendies.
L’ensemble des églises et autres points de fraicheur ont d’ores et déjà été ouverts à tous de jour comme de nuit.
Les gymnases et l’ensemble des infrastructures des régions les moins touchées de France et pays alentours ont été mobilisés pour accueillir les réfugiés climatiques venus du Sud de l’Europe par dizaines de milliers.
L’exode urbain est massif depuis début mai.
Le monde entier panique.
Les services publics étouffent.
Tout se détériore à une vitesse ahurissante.
Nous sommes en train de basculer en plein cauchemar.
Paris, le samedi 2 mai 2020
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C’est au moment où j’ai fermé ma porte à clef, le souffle retenu par mon masque et les épaules chargées, que je me suis rendue compte de la situation.
J’oscille sans cesse, je ressens les choses avec objectivité, puis je les oublie.
Aujourd’hui, elles sont bien plus palpables qu’à l’accoutumée.
Nous sommes le samedi 2 mai 2020, à 20 heures.
Il fait bon, et mis à part une petite dizaine de personnes sorties courir, faire des courses ou attendre leurs pizzas à emporter dans l’un des seuls restaurants encore ouverts, rien à signaler.
Pas de bruit de fond, pas de rires, pas d’éclats de voix, pas de verres qui trinquent, pas de musique, rien.
Un samedi soir étrange, pour le centre de Paris.
Je croise des personnes masquées, d’autres pas, certaines promènent leur chien en riant, d’autres ont un air plus grave. Un habitant fume sa cigarette en bas de chez lui, puis la jette au sol, c’était sans doute trop difficile de la garder et de la mettre dans sa poubelle, mais ça pue, tu comprends. Une montée de colère s’empare de moi, immédiatement suivie par une vague de résignation.
J’ai envie de dire « les gens », mais je ne le dirai plus, car nous sommes finalement le produit d’une société, ses petits pantins dont les comportements ont été en grande partie réfléchis et recherchés. Alors je n’ai plus tellement envie de m’en prendre aux gens, dont les faits et gestes ne sont plus que symptomatiques à mes yeux.
La cause, c’est elle qu’il va falloir combattre.
Je divague.
J’aurais pu tout imaginer, tout, mais pas une pandémie de cette ampleur, pas en 2020.
J’ai été prise de court. Et depuis le début du confinement, mon cerveau a l’attitude d’une machine à laver, il tourne bien trop vite et se remplit, puis se vide jusqu’à me perdre, comme le tambour que je suis en train de regarder tourner, hagarde mais attentive.
Un temps littéralement paumée, je sens petit à petit ma force réapparaître, comme s’il avait fallu que je digère cet imprévu de taille, pour m’en nourrir et élargir, non sans mal, ma grille de lecture, et avec elle ma perception du monde et de ses nouveaux enjeux.
Nous devons être plus malins qu’eux.